► Du geste au savoir : les maraîchers ont la parole !, Projet SEMBio, France
Rural topic(s): Savoirs agro-écologiques locaux
Type: Expérience innovante
Date of writing: 29 juin 2022
Author(s) of this page: Rémy BACHER
Organization(s): GEYSER (Groupe d’études et de services pour l’économie des ressources)
Summary:
Les maraîchers, qu’ils soient nouvellement installés ou pratiquant de longue date, ont des choses à dire sur leurs pratiques et des savoirs à partager !
Ces savoirs sont en permanence en construction, ils évoluent au fur et à mesure que le maraicher acquiert de l’expérience. Ils se nourrissent aussi de ses rencontres avec des pairs, de ses lectures, des temps de formation…
Les valeurs qui le portent et ses représentations du monde ont un impact certain sur ses choix (et donc ses gestes).
Mettre en évidence ces savoirs, en donnant la parole aux maraîchers, tel est le sens du travail que le collectif SEMBio (Savoirs Écologiques Maraîchers dans la transition écologique et alimentaire), réunissant une équipe aux compétences diversifiées, dont plusieurs membres de GEYSER, a lancé en 2017..
Text:
Du geste au savoir : les maraîchers ont la parole !
Nous avons sollicité une vingtaine de maraîchères et de maraîchers, du jeune récemment installé à celui-celle ayant plus de 40 ans d’expérience, répartis dans 3 régions : la Lorraine, le Sud-Isère et le Luberon.
Il s’agit principalement de fermes maraîchères sur petites surfaces, aux productions diversifiées et commercialisant en circuits courts.
Un recours original à l’outil vidéo
Les savoirs et les techniques mis en œuvre passent pour partie par de nouvelles approches de l’exercice du métier, de nouvelles connaissances, de nouvelles aspirations de celles et ceux qui s’installent…. L’émergence de réseaux comme celui sur le « maraîchage sur sol vivant », ou autour de la permaculture, de l’agroforesterie…, en sont des signes.
L’utilisation de l’image s’est largement popularisée. C’est un moyen puissant de mise en évidence, partage et de transmission de pratiques.
La méthode que nous avons utilisée va plus loin qu’une simple captation d’images, en s’appuyant sur une approche dite « d’auto-confrontation » :
Le maraîcher est filmé au champ (en limitant les interventions et les discussions) ; des rushes sont ensuite sélectionnés et lui sont présentés sur un écran, dans le cadre d’un entretien qui met l’accent sur la mise en contexte, les motivations, voire l’éthique qui l’ont conduit à poser tel ou tel geste.
Cette séquence est également filmée.
Les entretiens font l’objet d’un travail d’analyse, qui permet de sélectionner les paroles autour d’un thème développé par les maraîchers (la gestion des adventices par exemple).
Cette matière première, faite de paroles et d’images, permet la réalisation de films de différents formats :
→ un geste et la parole d’un maraîcher, sur un enjeu particulier (par exemple, le bon outil pour désherber, le bon moment pour travailler la terre…) ;
→ des regards croisés : plusieurs maraîchers s’expriment sur un même sujet ;
→ des films scénarisés, accompagnés d’une voix off.
Une quarantaine de vidéos ont été réalisées depuis le démarrage du projet en 2017, donnant la parole aux maraîchères et maraîchers des trois territoires concernés.
De la gestion de l’enherbement à la conduite de l’irrigation
Ce que révèlent les entretiens réalisés et l’analyse des paroles des maraîchers rencontrés, c’est une approche et un regard partagés privilégiant le lien avec le vivant.
En Lorraine et en Sud-Isère, par exemple, les propos des maraîchers ont illustré le fait, non pas de lutter systématiquement contre le développement des adventices, mais d’avoir une vision globale et à long terme sur leur présence ; de savoir anticiper et d’intervenir à des moments clés par rapport à la culture en place ; de choisir des outils adaptés à sa pratique, qu’ils soient manuels ou tractés…
Plutôt que lutter systématiquement contre les mauvaises herbes, ils montrent par leurs différentes approches l’intérêt de composer avec les adventices.
On observe la même vision dans leur façon d’aborder la question du travail du sol (Luberon, Sud-Isère) : connaissance fine de la terre cultivée, interventions à des moments propices pour obtenir une terre meuble… Dans bien des cas, il est question de réduire le nombre de passages d’outils mécanisés, voire de s’en passer totalement.
En 2020, le groupe de maraîchers du Sud-Isère a souhaité aborder la question de l’eau : son accès, la gestion de la ressource et les pratiques visant à en réduire la consommation. Avec en ligne de mire les changements climatiques qui se font déjà sentir, notamment en termes de répartition des pluies tout au long de l’année (voir par ailleurs la présentation du projet SEM’Eau).
Un outil d’animation et de formation
Les vidéos réalisées ont d’ores et permis d’animer des rencontres entre maraîchers.
Ces temps d’échange ont associé maraîchers installés de longue date, jeunes installé.e.s, porteurs de projet …
A travers ces courts-métrages, nul jugement n’est porté sur les pratiques. Lors des rencontres, le dialogue s’instaure rapidement et permet une mise en commun des expériences, des questionnements, de chacun.e dans le contexte particulier qui est le sien.
Les vidéos commencent aussi à être utilisées en formation (BPREA, BAC Pro…) : des réunions entre formateurs sont d’ailleurs en préparation à SupAgroFlorac, dans le cadre du plan nationale de formation (PNF), qui vise à introduire l’agro-écologie dans les cursus
Devenir maraîcher
Le maraîcher est acteur de la construction de ses propres savoirs et donc de sa formation.
La démarche de l’auto-confrontation, que nous avons mise en œuvre dans le cadre du programme SEMBio, a agi chez le maraîcher comme un révélateur de ses propres savoirs, valeurs et perceptions. Cette « conscientisation » nous parait essentielle pour favoriser l’adaptation au changement climatique et la révolution agro-écologique dont ont besoin nos sociétés..
Les processus d’apprentissages et de construction des savoirs maraîchers, un exemple :
Etre paysan chercheur : L’expérimentation peut avoir comme point de départ la remise en question de savoirs ou de pratiques considérés comme intangibles. C’est le cas par exemple de Julien, sur l’organisation de ses cultures :
« Sur les rotations, j’essaie de ne pas mettre les mêmes familles aux mêmes endroits, parce que c’est une façon de penser traditionnelle en agriculture, ça semble assez évident mais je m’interroge beaucoup là-dessus ; c’est-à-dire que je pense vraiment que au bout d’un certain nombre d’années, quand on a beaucoup enrichi son sol, beaucoup amélioré, beaucoup apporté, parce que je pense que quand le sol il fonctionne bien, on peut sans trop de problème se passer de rotation(…) J’ai une parcelle-test où depuis le début je ne la laisse pas en repos, je lui fais des légumes tout le temps, même plusieurs des fois par an, ça fait huit ans que ça dure et ça fait huit ans que ça marche bien sur cette parcelle… »
Citation issue de l’article « Des savoirs en mouvement : paroles de maraîcher » Rémy Bacher ; Jean-Luc Campagne.
Encourager les relations agriculteurs-consomm’acteurs
En Sud-Isère et dans le Luberon, des micro-trottoirs ont permis de donner la parole à un panel d’habitants, en relation avec les maraîchers. Ces micro-trottoirs ont servi de support à la réalisation de petits films, destinés à introduire les rencontres entre maraîchers et consomm’acteurs. Ces rencontres ont permis de croiser leurs différentes visions et d’identifier des pistes pour renforcer les liens (en termes d’information, d’adaptation des paniers, de possibilités de soutien…)
Notes:
Pour aller plus loin
Toutes les vidéos produites (environ une quarantaine) sont en libre accès sur la plateforme animée par l’ITAB :
wiki.itab-lab.fr/espacemaraichage/?ProjetsembioReseau
Website: wiki.itab-lab.fr/espacemaraichage/?ProjetsembioReseau
Download:
Informations:
Scale of intervention : Régional
Keywords: savoir traditionnel, Savoirs Ecologiques Paysans, film video, gestion de l’eau, conservation et gestion des ressources naturelles, maraîchage, création et transmission de savoir, gestion des adventices
Places: France
Actors: paysan, centre/institut de recherche