[EXP] Buschberghof CSA, le succès d’une ferme multifonctionnelle depuis plus de 20 ans.
Dossier(s) : Dialogue territorial, engagement citoyen et gouvernance locale, Systèmes alimentaires locaux
Type : Expérience réussie
Date de rédaction: 18 mai 2010
Auteur(s) de cette fiche : Wolfgang Stränz
Organisme(s) : Der Buschberghof
Résumé :
Buschberghof CSA, située à 35 km de Hambourg dans le nord de l’Allemagne, associe une AMAP basée sur une ferme biodynamique, à la conservation de races locales, l’attention aux personnes handicapés et à une économie solidaire entre fermiers et consommateurs.
Texte :
Contexte régional et objectifs du projet
Buschberghof CSA est une ferme de 90 ha située à 35 km de Hambourg dans le nord de l’Allemagne. Cette exploitation familiale biodynamique a été convertie en 1968 en un « Community Land Trust » (CLA), afin de garantir le maintien de l’exploitation en agriculture biodynamique, pour prévenir la spéculation foncière ainsi que l’endettement de l’exploitation. En 1988, après un renouvellement générationnel, les trois agriculteurs ont mis en place une AMAP, qui rassemble plus de 90 ménages de consommateurs ainsi solidaires des risques et de la responsabilité de l’activité agricole.
Note: Un “Community Land Trust” ou CLA consiste en une propriété foncière collective sous gestion coopérative
Projets et Activités
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De nouvelles formes de propriété: Carl-August Loss a fait don de son exploitation familiale au CLA, tandis que d’autres ont fait des dons monétaires. Les propriétaires (ou « actionnaires » du CLA), se rencontrent une fois par an, lisent le rapport annuel et s’assurent du respect des engagements de Buschberghof : que l’on pratique effectivement une agriculture biodynamique, qu’aucune terre agricole n’ait été vendue, et que la ferme n’est pas endettée.
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De nouvelles formes de coopération: la ferme est louée à des agriculteurs qui s’engagent à respecter ces conditions et qui sont responsables de la gestion de l’exploitation. Aucun d’entre eux n’est propriétaire, ils bénéficient tous des mêmes droits, et ils ne sont pas salariés : ces agriculteurs ont décidé de travailler de leur propre volonté.
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De nouvelles formes économiques : « Community Supported Agriculture » ou AMAP: «Quand nous avons lancé l’AMAP en 1988, seulement la moitié de la production était destinée aux 40 familles groupement, tandis que l’autre moitié continuait d’être vendue de manière conventionnelle au magasin de la ferme car nous craignions que notre expérimentation n’échoue. Après la première année, il est devenu clair que l’AMAP constituait une solution viable pour la ferme, les ventes au magasin ont donc cessé et les consommateurs restant ont été invités à rejoindre l’AMAP, ce que beaucoup ont fait. Depuis, 20 années se sont écoulées, le groupement porte la ferme d’une manière viable, et cela marche si bien qu’on pourrait même développer davantage l’exploitation.» Aujourd’hui, ces 90 ménages (300 agriculteurs non-actifs) en tant que groupement sont prêts à assumer les coûts de gestion de la ferme : chaque année les agriculteurs actifs présentent leur budget de l’année à venir, et les non-actifs s’engagent à contribuer au budget en fonction de leurs revenus. Si les engagements ne sont pas suffisants, on peut soit effectuer des coupes dans le budget, soit inviter à contribuer davantage. Cette situation s’est présentée à plusieurs reprises, non en raison de contributions trop faibles mais du fait du nombre trop faible de membres, il a donc fallu en chercher de nouveaux. Les consommateurs récupèrent leurs aliments dans une quantité correspondante à leurs besoins. La production, récoltée et préparée sur la ferme, est dans un sens, « gratuite ». De plus, la contribution que les consommateurs s’engagent à payer n’a rien à voir avec la quantité de nourriture reçue. Un bien alimentaire n’a pas de prix, c’est l’activité agricole qui en a un, 330.000 euros en 2009/10. « Nous essayons de mettre en place un processus économique solidaire entre producteurs et consommateurs, et pour les consommateurs entre eux », explique Wolfgang. Les agriculteurs actifs sont donc libérés de la pression économique et peuvent gérer l’exploitation comme un seul organisme, alors que certaines cultures ne sont pas rentables. Plus de 50 variétés de légumes d’hiver et d’été sont cultivées, ainsi que13 sortes de pain deux jours par semaine. …La laiterie produit plusieurs sortes de fromage, des yaourts, du fromage blanc, et du beurre. On peut aussi avoir du bœuf, du porc, de l’agneau, des saucisses, de la volaille ainsi que des œufs. Le dernier troupeau de vaches Angeln (une race ancienne – l’espèce allemande plus exportée avant-guerre, aujourd’hui menacée de disparition) produit du lait et de la viande en quantité suffisante pour le groupement. Les porcs Angeln, une autre espèce menacée, sont élevés sur l’exploitation, nourris au petit-lait de la laiterie et des restes des légumes. 5 familles s’occupent du travail des champs, des troupeaux, du maraîchage, de la transformation du lait, et de la boulangerie.
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Travail social: en 1973, un travail avec des personnes handicapées s’est mis en place, elles vivent et travaillent de manière permanente sur la ferme. Aujourd’hui ce sont 12 personnes souffrant de handicap mental qui travaillent à l’étable, dans les champs de légumes, dans les serres et dans la laiterie. Le CLA est responsable de ce projet.
Résultats - enseignements tirés de l’expérience
Buschberghof a mis en place la première AMAP d’Europe et a servi de modèle pour de nombreux autres projets en Allemagne et en Europe. Contrairement à des nombreuses initiatives de paniers bio qui sont assez répandus en Allemagne, la dimension de solidarité est ici fondamentale. L’objectif financier est de pratiquer une agriculture durable dans un cadre non lucratif. Les bénéfices de l’AMAP font partie de son budget annuel et sont versés au CLA pour investir dans l’activité agricole. L’objectif écologique est de faire de l’exploitation un organisme clos aussi divers et harmonieux que possible. Cette expérience contribue au maintien de population dans les zones rurales : avec ses activités sociales et agricoles, plus de 30 personnes vivent sur l’exploitation de manière permanente.
Perspectives
La capacité de la ferme étant limitée par sa taille, le développement de l’expérience passe donc par la diffusion du concept auprès d’autres exploitations. Depuis 1988, Buschberghof a été un modèle pour d’autres fermes qui ont adopté ce système. Cela a contribué à la création de trois exploitations de ce type en Norvège. Après une longue période de stagnation, en particulier ces deux dernières années, l’intérêt des agriculteurs s’accroît lentement mais sûrement. Aujourd’hui on compte 13 fermes similaires en Allemagne, qui fonctionnent de cette manière ou ont l’objectif de s’y convertir dans un futur proche. La plupart ne peuvent produire autant que Buschberghof, mais elles sont toutes dans une dynamique d’économie solidaire. La plupart des exploitations se trouvent dans le nord de l’Allemagne. Il est intéressant de noter que ceux qui s’engagent dans ce système ne sont pas les consommateurs habituels des magasins fermiers, mais des personnes toutes très différentes qui sont motivées par ce système. Cependant, le développement en Allemagne est beaucoup plus lent que ce qu’on observe en Grande-Bretagne ou en France, où les initiatives sont soutenues par des organisations puissantes, telles que la « Soil Association ». En Allemagne, tout est plus ou moins dépendant des initiatives privées, même si cette lente croissance est peut-être plus saine. Nous recevons de plus en plus de demandes de la part d’autres fermes, d’universités et d’écoles d’agriculture pour présenter notre système. Pour toutes ces activités, Buschberghof a obtenu en 2009 le prix pour l’innovation en agriculture écologique par le Ministre de l’agriculture allemand.
Commentaires :
Contrairement à de nombreuses initiatives d’AMAP (particulièrement aux Etats-Unis), notre système fonctionne exclusivement grâce à des systèmes économiques solidaires.
Notes :
Expérience personnelle de Wolfgang Stränz en tant que membre fondateur et trésorier de l’AMAP , et gérant du Community Land Trust
Presentation de Buschberghof CSA sur blog.urgenci.net/?p=206
Contact :
Buschberghof CSA,
Wolfgang Stränz,
Informations :
Niveau d’intervention : Local
Mots-clés : association pour le maintien d’une agriculture paysanne - (AMAP), agriculture multifonctionelle, accès au foncier, inclusion sociale, partenariats producteurs-consommateurs, achat collectif de terre agricole, démarche collective, groupe de propriété collective du foncier, agriculture biodynamique, agriculture familiale, co-producteurs, produits laitiers, économie sociale et solidaire, race locale, circuit de proximité, systèmes alimentaires locaux, élevage, jardinage
Lieux : Allemagne
Acteurs : ferme, propriété collective du foncier, citoyen
Méthodes : promotion d’activité économique locale, autofinancement