Notre message à la Convention Agricole et Rurale ARC2020
Dossier(s) : Plaidoyers pour des politiques alimentaires et rurales
Type : Réflexions de membres du FS ou d’autres acteurs locaux
Date de rédaction: 17 octobre 2010
Auteur(s) de la proposition : Participants aux Rencontres européennes d’acteurs ruraux de développement durable 2010
Contexte :
Notre message à la Convention Agricole et Rurale ARC2020
65 représentants de la société civile européenne, venus de 14 pays européens*, se sont rencontrés à Vouneuil-sur-Vienne afin de tirer des enseignements des projets de développement rural durable de la région, et pour échanger leurs points de vue sur la réforme à venir des politiques européennes de développement rural et agricole. Les rencontres ont été organisées par le CELAVAR, une coordination associative française rassemblant des réseaux d’éducation populaire porteurs d’initiatives rurales de développement durable, et FORUM SYNERGIES, un réseau mettant en lien les pratiques locales de développement durable dans toute l’Europe. Les participants ont débattu de ce qu’ils ont vu dans la région, et l’ont confronté avec leurs propres projets locaux et régionaux. Les organisateurs ont rassemblé les idées et attentes de chacun en amont des rencontres et à l’issue de celles-ci au sein d’un dossier de présentation des participants. A la fin des rencontres, les participants se sont mis d’accord sur le message qui suit, adressé à la Convention Agricole et Rurale ARC 2020.
* voir la liste des participants ci-dessous
Texte :
Plus de démocratie
Une réforme démocratique des politiques agricoles et rurales doit s’élaborer sur la base de valeurs et de principes, et non sur la perspective de redistribuer l’argent public ou d’inventer de nouvelles politiques. La question de la coopération entre les acteurs locaux doit être considérée comme prioritaire par rapport à celle la concurrence dans l’accès aux parts de marché ; les enjeux de solidarité et de cohésion doivent venir avant la croissance économique, la participation des citoyens avant le contrôle centralisé.
Afin de parvenir à une citoyenneté européenne active dans les régions urbaines et rurales de l’Europe, nous sommes prêts à prendre la responsabilité d’agir en faveur d’un renouveau démocratique au sein de la société civile, un renouveau qui encourage les citoyens à prendre part à la renaissance économique, environnementale et sociale de la vie rurale. Cette responsabilité se fixe pour objectifs de permettre à tous l’accès à une nourriture saine en quantité suffisante, d’apporter un soutien à l’expression démocratique, à l’échange de savoirs et à une vie décente. Nous envisageons notre engagement en faveur d’une citoyenneté locale et européenne comme un complément à la démocratie représentative, et qui contribue à la renforcer.
Nous travaillons en faveur de meilleures formes de dialogue territorial et d’échanges de bonnes pratiques entre les personnes qui vivent dans les territoires ruraux, afin que les populations de ces espaces s’inspirent d’innovations durables. Nous en appelons à un meilleur partage de l’accès aux savoirs et aux biens, y compris à une éducation spécifiquement adaptée aux besoins des territoires ruraux. Nous souhaitons particulièrement encourager les jeunes à s’installer en agriculture et à s’investir dans d’autres types d’activités et d’entreprises rurales. Nous voulons contribuer à la programmation et à la prise de décision concernant le développement rural depuis le local et dans une approche ascendante, dans la suite de ce qui s’est fait au sein de LEADER dans sa conception initiale et d’autres initiatives communautaires précédentes. Nous avons le sentiment que l’actuel programme LEADER tend à s’éloigner de cette approche ascendante.
Nous voulons partager le pouvoir et les responsabilités avec les autorités locales et régionales, afin de renforcer les liens entre les populations locales et leurs représentants. Les initiatives citoyennes doivent être au cœur de connexions plus fortes entre régions urbaines et rurales afin d’établir une gestion plus équilibrée des ressources et des besoins ruraux et urbains.
Coproducteurs de nourriture
Nous considérons la nourriture, la terre et l’environnement avant tout comme une richesse commune et non pas comme de simples produits marchands. Les agriculteurs et les consommateurs devraient devenir des co-producteurs de biens communs. Il y a une différence entre la vente de quelques framboises sur un marché local et l’acquisition d’un contrat à terme sur le marché du porc. Nous nous intéressons davantage aux personnes qui travaillent la terre qu’aux subventions à l’hectare. C’est en créant des liens directs entre les agriculteurs et les transformateurs et les marchés locaux et régionaux que nous pouvons agir en faveur de modes de vie plus durables. Nous ne devons pas promouvoir la transformation à bas coût des produits alimentaires au détriment de la qualité de la nourriture, d’un environnement sain et de la souveraineté alimentaire.
Changement démographique, femmes et jeunes
Le vieillissement de la population en milieu rural devient un problème à partir du moment où les jeunes femmes et hommes n’envisagent pas leur avenir dans l’agriculture ou dans d’autres activités au sein des territoires ruraux. Nous attendons des politiques rurales et agricoles qu’elles améliorent les infrastructures rurales sur les territoires, en rapprochant les écoles, l’éducation et la vie culturelle des lieux de vie des habitants. Ce sont en particulier les femmes et les jeunes hommes qui quittent les fermes et les zones rurales parce qu’ils perdent espoir dans leur futur. Les politiques rurales doivent rendre la vie rurale plus attractive, elles doivent accroître les liens entre les territoires et leur permettre d’échanger leurs expériences et leurs informations. Nous voulons davantage de soutien à l’engagement des jeunes grâce à la reconnaissance des savoirs acquis par la pratique, où la participation à des projets durables et la création d’activité contribuent à renforcer ces liens entre engagement et reconnaissance des acquis de l’expérience. Nous devons faciliter l’accès à la terre et aux ressources naturelles particulièrement pour les jeunes et les femmes. Nous voulons que les territoires ruraux restent attractifs et vivants, qu’ils soient des endroits où les gens sont éduqués et où ils apprennent à faire usage des ressources naturelles de manière durable pour leur permettre d’envisager leur futur au sein du monde rural.
Pauvreté
La pauvreté et les écarts de richesse entre les riches et les pauvres s’accroissent dans les zones rurales. La pauvreté n’est pas liée à l’absence de ressources locales, mais à l’absence de compétences et aux difficultés d’accès à ces ressources. Nous devons combattre la pauvreté par l’éducation et la formation, et construire sur les savoirs locaux les solutions adaptées aux besoins des territoires ruraux du XXIème siècle.
Nous voulons aller vers Une Europe, qui ne soit pas divisée entre la vieille et la nouvelle Europe, ni entre les riches et les pauvres, mais fondée sur la solidarité, la confiance mutuelle et la dignité humaine. Les pauvres des territoires ruraux n’ont pas besoin de charité ni d’être compensés de leur exclusion. Sans un engagement ferme en faveur de leur insertion grâce à un égal accès à l’éducation, au développement économique, à la santé, à la culture et à la mobilité, la pauvreté continuera de croître. C’est pourquoi les écoles et l‘éducation doivent être accessibles là où les gens vivent. Le renforcement des capacités peut se faire plus près des expériences de terrain et au sein même des fermes. La formation professionnelle et l’éducation seront alors mieux adaptées à ce dont les personnes en difficulté ont besoin.
Construire sur la confiance plutôt que sur la peur
Nous voulons que les institutions européennes passent d’une gestion par la peur (contrôle) à une gestion par la motivation (confiance)
Par conséquent, nous invitons les institutions européennes et nationales à :
1. Encourager un développement diversifié et durable des territoires ruraux :
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Permettre aux petites exploitations et aux exploitations de semi-subsistance des zones rurales de bénéficier des soutiens à l‘agriculture et au développement rural en tant que membres à part entière de l’économie ;
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Préserver et promouvoir les savoir-faire écologiques et les savoir-faire traditionnels européens ;
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Soutenir un plus large panel d’activités dans les fermes pour des pratiques plus équilibrées et plus respectueuses de l’environnement ;
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Soutenir une plus grande diversité d’activités économiques en milieu rural ;
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Soutenir l’installation agricole en améliorant l’accès à la terre et aux équipements ;
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Développer une diversité d’outils à destination des territoires européens afin qu’ils appuient leur développement économique local sur le renforcement et la valorisation de leurs ressources locales ;
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Développer des critères d’évaluation des politiques européennes qui ne mesurent pas uniquement la croissance économique ;
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Soutenir la recherche fondamentale et appliquée au sein même des exploitations agricoles, une recherche qui soutienne les dynamiques de liens entre producteurs, consommateurs et territoire.
2. Encourager des processus décisionnels locaux démocratiques et la participation de la société civile
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Soutenir les partenariats et les initiatives de coopération entre agriculteurs, ménages ruraux, petites entreprises et citoyens ;
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Donner les moyens de monter des projets, en particulier grâce à des outils qui permettent la mise en place d’un dialogue territorial et la participation des citoyens aux décisions locales ;
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Permettre la coordination et la mise en cohérence au niveau local des mécanismes de soutien européens ;
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S’adapter aux spécificités des associations pour qu’elles soient réellement en mesure d’accéder aux financements européens.
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Informations :
Niveau d’intervention : Européen, Local
Mots-clés : politique rurale, Forum Synergies
Lieux : Europe
Voir aussi :
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