[EXP] Le Réseau de fermes Eco – Santé (Eco-Health Farm) de Lettonie
Des paysans lettons proposent des pratiques agricoles traditionnelles, un mode de vie sain, ainsi que des pratiques de médecine douce préventive aux lettons et touristes étrangers afin d’améliorer la santé humaine et environnementale.
Dossier(s) : Plantes et santé en milieu rural
Type : Expérience réussie
Date de rédaction: 30 juin 2010
Auteur(s) de cette fiche : MG
Organisme(s) : Upmali Farm
Résumé :
RESUME
Le réseau de fermes de Santé (Eco-Health Farm) puise dans le riche passé de la Lettonie pour améliorer alimentation, bien-être et santé. Ce réseau de fermes familiales consacrées à l’agriculture biologique, à la vie saine et à une médecine préventive donne une seconde vie à ces pratiques traditionnelles en les intégrant dans les pratiques et modes de vies actuels.
Texte :
Contexte régional et objectifs du projet
Le modèle des fermes Eco-Santé (Eco-Health Farms – EHF) a été créé dans les années 1990 par Mara Bergmane, son mari Dainis Bergmanis et ses collègues lettons pour apporter des solutions aux principaux problèmes rencontrés par la population lettone : dégradation de l’état de santé des européens de l’Est, atteintes à l’environnement et diminution des opportunités économiques pour les agriculteurs. L’état de santé en Lettonie et en Europe de l’Est était en effet plus dégradé que dans le reste de l’Europe (fréquence des maladies chroniques, abus de substances et de médicaments, etc…). Les pratiques agricoles intensives dans les exploitations collectives de la Lettonie pendant le demi-siècle d’occupation soviétique a en effet généré de nombreux impacts négatifs sur la santé et sur l’environnement. De plus, les petites exploitations faisaient face à une pression croissante pour réduire leurs coûts et accroître leur compétitivité face aux grandes exploitations européennes, une situation qui a empiré lors de l’entrée dans l’UE. Une difficulté supplémentaire était liée aux faibles revenus des ruraux, inférieurs au revenu moyen du pays.
Initiateurs du projet, forme d’organisation
Mara Bergmane, à l’initiative du projet, est née dans la campagne lettone et s’est toujours impliquée dans la vie locale. Tout a changé en 1986 quand Mara et deux de ses enfants ont développé de graves problèmes de santé. Si la médecine traditionnelle n’est pas parvenue à les aider, le traitement par les plantes médicinales, une nourriture saine, et les saunas aux plantes ont considérablement contribué à améliorer leur état de santé. C’est donc avec cette volonté d’associer la promotion de modes de vie sains, la médecine occidentale et la médecine traditionnelle que Mara a lancé les fermes Eco-Santé. Avec son mari Dainis, elle s’est installée en agriculture en 1987, en adoptant les méthodes de l’agriculture bio et biodynamique, et a développé des activités liées à la santé (traitement par les plantes médicinales, nourriture saine, sauna aux plantes, production de thé et autres produits à base de plantes…)Avec d’autres collègues impliqués dans l’agriculture bio et l’environnement, ils ont fondé l’association de l’agriculture bio de Lettonie en 1995. L’existence de ce réseau d’associations (rassemblant plus de 400 agriculteurs impliqués dans le développement rural et la promotion de modes de vie sains) a aidé au développement du modèle des fermes Eco – Santé : ils ont développé un programme touristique et de santé, devenu en 2006 l’ONG Réseau des fermes Eco-Santé (« Eco Health Farm Network NGO »), membre de l’association bio et travaillant en lien direct avec elle. Grâce au recours aux pratiques agricoles traditionnelles et à la préservation des valeurs culturelles concernant la santé et l’environnement, le réseau s’est appuyé sur le riche passé de la Lettonie pour en faire bénéficier la santé et le bien-être à venir des populations de l’Europe Centrale. Ce réseau d’exploitations familiales impliquées dans l’agriculture bio, les modes de vie sains, et la médecine préventive revitalise des pratiques traditionnelles associant ses techniques et ses valeurs et les pratiques agricoles actuelles.
Activités du projet en relation avec le développement durable
Développer une agriculture respectueuse de la nature et de la santé : un mode de vie et un moyen de gagner sa vie.
Le modèle des fermes Eco-Santé se caractérise par son approche intégrée de la nature, de l’agriculture, de la santé et de la mise en œuvre concrète de ses principes : production de nourriture saine, développement d’une médecine holistique, et partage de savoirs. Conformément aux statuts, les membres sont tous en bio (certifiés agriculture bio), ils apprennent à connaître les processus naturels, la médecine douce, créent une exploitation durable et organisée, proposent de la nourriture bio à leurs visiteurs et proposent plusieurs services liés au mode de vie sains (conseils mais également bain aux herbes, produits avec différentes plantes, parcours santé,…). Les membres ont évité tout type de bureaucratie : le mouvement fonctionne de manière simple et démocratique – même l’attribution du label ferme Eco-Santé est décidée au sein de l’association. Les valeurs - clés sont la responsabilité mutuelle, la synergie, la volonté partagée de comprendre la médecine holistique, et la mise en pratique de ses principes dans son propre mode de vie, dans ses pratiques agricoles et dans son activité. Le réseau est également une plateforme de vente d’une grande variété de produits (biens et graines bio et biodynamique). Les fermes qui se spécialisent dans une production peuvent ainsi accéder à une grande variété de produits complémentaires qu’ils peuvent utiliser sur leur propre exploitation : des fermes Eco-Santé qui accueillent des touristes achètent du fromage de chèvre, du pain bio et leurs autres produits auprès des fermes Eco-Santé voisines et des fermes bio. Cela permet aux locaux et aux visiteurs d’accéder à une plus grande variété de produits bio et locaux, et a accru la demande en produits bio locaux. Cette initiative contribue aussi au développement de la vente directe : les fermes n’échangent pas seulement leurs produits mais aussi leurs informations respectives, assurent la promotion du réseau auprès de nouveaux consommateurs, telles que les écoles, les entreprises, etc.
Formation et éducation : sauvegarder les savoirs traditionnels de santé et proposer des alternatives en matière de santé
L’un des objectifs du réseau est d’améliorer la connaissance du public sur la santé. Un programme de formation a donc été mis en place, élaboré par le réseau et réalisé par ses propres membres et conseillers : des professionnels de la santé, des thérapeutes adeptes de méthodes naturelles, des responsables politiques, des environnementalistes, des scientifiques de l’agriculture bio. Certains d’entre eux sont membres du réseau. La formation apporte des connaissances de base en anatomie, physiologie, alimentation saine, thérapie aux plantes anciennes, techniques d’agriculture bio, et modes de vie durables. Les ateliers sont organisés régulièrement, comme une formation continue. Comme l’explique Mara, « les agriculteurs doivent réaliser que tout est lié – comment le respect des processus naturels dans les cultures et dans l’élevage a un impact significatif sur la qualité finale des produits. Consommer ces produits sains, et utiliser des plantes naturelles comme remèdes améliorent notre santé ». Les membres du réseau peuvent ensuite diffuser cette connaissance par différents moyens, suivant la spécialisation de leur exploitation et en fonction des connaissances et des souhaits des agriculteurs : en organisant des visites de leurs fermes, des rencontres dans les fermes sur l’alimentation saine, l’environnement et la protection de la nature, des ateliers sur la médecine douce et la phytothérapie, de simples discussions et échanges de savoirs avec les voisins, les locaux, les touristes. Ce travail encourage tout un chacun à faire le choix de produits bio, à développer son propre jardin-santé, à utiliser des plantes médicinales, à prendre soin de sa santé et d’une manière générale à adopter des modes de vie plus sains et naturels. Cette initiative est fondée sur les particularités locales – préservation des traditions locales, des modes de vie traditionnels et de productions locales. Elle constitue une alternative à l’agriculture intensive, aux grandes exploitations, et au tourisme de masse.
Eco-tourisme : des visiteurs locaux aux touristes internationaux
Le réseau des fermes Eco-Santé accueille également des touristes à la recherche d’une expérience de tourisme écologique et orientée sur la santé et le bien-être. Chaque ferme du réseau apporte à ses visiteurs une introduction au patrimoine naturel et culturel local ; ces fermes familiales ont en effet des histoires qui remontent à plusieurs générations. Les agriculteurs peuvent aussi sensibiliser leurs invités par la démonstration qu’ils apportent de leur propre mode de vie durable. Mara précise : « la plupart des visiteurs sont lettons, mais de plus en plus d’étrangers sont intéressés pour visiter les fermes du réseau. Même si la plupart viennent pour profiter du mode de vie rural, des soins de santé et d’une alimentation saine, la plupart participent aux rencontres et aux événements. Toutes les fermes ne peuvent pas accueillir de touristes : elles produisent des produits bio et sains, dont peuvent bénéficier les fermes partenaires du réseau et les fermes voisines.
Principaux résultats et enseignements tirés de l’expérience
Le réseau des fermes Eco-Santé comprend maintenant 50 fermes, et accueille presque 1000 visiteurs par saison. Ces fermes participent à la protection des ressources naturelles, développent des alternatives technologiques économes en énergie et des pratiques agricoles durables. Par ailleurs le réseau organise des événements, et via le tourisme et les formations, encourage la durabilité et l’échange d’expériences. Pour Mara, le succès de l’expérience ne se mesure pas au nombre de fermes ou à la quantité produite, mais plutôt dans l’évolution de chaque agriculteur dans sa compréhension, ses connaissances, ses compétences professionnelles, et dans la transformation de chaque ferme en un centre environnemental et de promotion d’une vie saine. De plus, le réseau a contribué au développement d’un esprit de solidarité et d’une coopération importante dans cette ère post-soviétique. Pour Mara, « la meilleure garantie pour un développement réussi est dans la gouvernance démocratique du réseau, dans le respect de nos engagements en interne, et dans un développement autonome. Les membres financent eux-mêmes leurs formations, leurs voyages d’étude, et s’acquittent d’une adhésion peu élevée, mais le budget de la structure a aussi bénéficié de subventions internationales. Parfois, les membres s’aident financièrement entre eux.Des habitants de la région et des collectivités locales participent également aux activités à destination du public, lors de rencontres, de consultations privées, ou en suivant les exemples qu’ils voient dans les fermes. Les habitants bénéficient des services de santé et des consultations proposées par les praticiens traditionnels, les docteurs, les masseuses, le sauna et les spécialistes des plantes médicinales. Les membres du réseau travaillent avec les écoles, en apportant des produits bio, et en éduquant les enfants. Les collectivités font confiance aux activités du réseau et les invite régulièrement à leurs événements.
Défis futurs et perspectives
L’objectif principal n’est pas d’accroître le nombre de fermes adhérentes mais plutôt l’amélioration qualitative du programme – en développant le volet formation, la qualité des produits et des services, et la vocation d’accueil des fermes. La diffusion plus large des idées se fera par un investissement plus poussé des médecins, des environnementalistes, et des jeunes. Il serait pertinent de développer un réseau international de mouvements similaires. Le réseau des fermes Eco-Santé coopère déjà avec des groupes de Pologne, de Lituanie et d’Allemagne, qui ont des fermes similaires mais pas de programme éducatif associé. Cependant il existe des freins significatifs dans les réglementations européenne et nationale, qui ne parviennent pas à adopter une approche transversale, qui soutiennent les grands producteurs et peuvent soutenir des pratiques contribuant à la perte de biodiversité. Le réseau fait aussi face aux lobbies pharmaceutiques, biomédicaux et de l’agriculture conventionnelle. Un des principaux défi est de trouver de jeunes agriculteurs motivés pour créer une exploitation aussi variée et spécialisée, ainsi que des professeurs qualifiés pour l’animation du programme éducatif.
Notes :
Source:
Interview of Mara Bergmane; www.changemakers.com/en-us/node/6280; www.ashoka.org/fellow/2926
Contact :
Mara Bergmane: upmali.herbs@gmail.com
Biological and health farms: www.celotajs.lv/cont/wrth/worth/bounty_en.html
Informations :
Niveau d’intervention : National
Mots-clés : Santé et bien-être, plantes aromatiques et médicinales, savoir traditionnel, sauvegarde du savoir, agriculture biologique, diversification des activités économiques, patrimoine rural, écotourisme, conservation et gestion des ressources naturelles, jardinage
Lieux : Lettonie
Méthodes : recueil de savoirs, échange d’expérience, échange de bonnes pratiques, formation, apprentissage non-formel, mise en réseau